Nous sommes généalogistes successoraux. Nous recherchons des héritiers inconnus pour leur transmettre souvent bien plus qu’un héritage : une partie de leur histoire ! « Histoires en héritage », vous invite à découvrir les destins hors du commun de ces hommes et de ces femmes dont la vie a été partiellement révélée après leur mort.
Dans « La châtelaine », Axel Pannetier, généalogiste dans notre succursale de Toulouse vous raconte l’histoire de Madeleine, roman d’une vie, d’une famille et peut-être même d’une lignée qui disparait.
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Transcript de l’épisode :
Nous sommes au printemps 2022, mon notaire m’annonce qu’on est dans le cadre d’une succession assez atypique puisque dans l’actif de la défunte, qui s’appelle Madeleine, se trouve un château dont elle était la propriétaire, qu’à sa connaissance cette dame vivait seule, qu’elle n’avait pas d’enfant.
Quand on a ce genre de bien, on sait tout de suite que le dossier va être hors du commun. Donc il nous apparaît nécessaire de procéder le plus rapidement possible à ce que l’on appelle un inventaire conservatoire, de le faire le plus tôt possible puisque le château de par sa situation, est relativement isolé, à poser des scellés sur chaque entrée.
Quelques jours plus tard, nous nous retrouvons le notaire, le commissaire-priseur et moi-même, au pied de cette demeure imposante. Elle est sur cinq niveaux, il y a environ quatre tours qui lui donnent un aspect très médiéval, et on se demande ce qu’on va trouver à l’intérieur.
En entrant, on a la sensation de se trouver dans un musée. Il y a des dizaines de tableaux, il y a des statues, il y a des vases, il y a des armures. On sent que le lieu est chargé d’histoire, et moi je suis là à me demander si finalement je ne vais pas initier non pas juste l’histoire d’une personne ou de sa famille, mais peut-être l’histoire d’une lignée.
On découvre un testament, un testament holographe, c’est-à-dire qui est rédigé de la main de la défunte, qui n’a pas été déposé chez un notaire, et elle va nous laisser quelques notes sur le fait qu’elle regrette de ne pas avoir connu ses cousins, en expliquant qu’il y a eu des dissensions entre ses ascendants, et elle souhaitait leur laisser finalement un souvenir en leur léguant la totalité de ses biens.
Malheureusement sans préciser leur identité, sans préciser le degré de parenté.
À ce moment-là, et sans plus d’éléments, je commence par faire une première enquête de terrain et je vais aller toquer à la porte de quelques fermes qui se trouvent aux alentours.
Alors les témoignages sont assez univoques dans la mesure où Madeleine était visiblement une femme très secrète. Les rares fois où on la voyait sortir de son château, elle était toujours très apprêtée, très coquette, elle portait des fourrures, elle mettait des bijoux. C’était une très belle femme, à tel point qu’elle est rapidement surnommée Brigitte BARDOT.
Je prends donc rendez-vous auprès de la mairie pour aller rencontrer Madame La Maire, qui va me donner quelques informations supplémentaires.
Alors Madeleine est née pendant la Seconde Guerre mondiale. Elle s’est mariée avec un homme qui était Suisse, et au début des années 80 ils ont débarqué de nulle part dans cette petite commune pour acheter ce château.
Une poignée d’années plus tard malheureusement ils divorcent, et au terme du divorce, Madeleine conserve l’entière propriété du château.
Madeleine vivait toute seule, n’a pas eu de compagnon, ne recevait personne dans son château.
Cette tendance à l’isolement s’est particulièrement accentuée sur les 10 dernières années de sa vie, à tel point que Madame La Maire a dû faire intervenir par sept fois les pompiers pour qu’ils enfoncent la porte et qu’ils vérifient que Madeleine était toujours vivante.
Mais la 7ème fois, les pompiers en enfonçant la porte, découvrent que Madeleine est décédée.
Donc à ce stade, comme on n’a pas de livret de famille, on ne peut se reposer que sur un pur travail de généalogiste pour retrouver les héritiers de Madeleine. On découvre en tout, la présence de neuf héritiers.
Je les appelle un à un, et je leur annonce qu’ils sont châtelains.
Ce moment-là est assez extraordinaire. On a quelques secondes systématiquement de silence à l’autre bout du téléphone. Ils sont très étonnés par la situation, et je les comprends, je me mets à leur place. Imaginez demain qu’un généalogiste successoral vous appelle pour vous annoncer que vous êtes l’héritier d’une cousine au 6ème degré, et que vous êtes copropriétaire d’un château, il y a de quoi secouer un petit peu votre vie, et raconter des anecdotes pendant vos repas de famille.
Donc l’ensemble des héritiers se montre excité, enthousiaste, et très curieux à l’idée d’hériter d’un château. Mais j’en ai une au téléphone qui est totalement minée par la situation. Elle se sent écrasée en quelque sorte, par le poids de l’histoire. Je comprends sa réaction parce qu’on est quand même face à une bâtisse qui a été construite au 15ème siècle, qui est classée monument historique et cette héritière prend toute cette histoire sur ses épaules et ne sait absolument pas ce qu’elle doit faire. C’est vrai que de manière générale, on aurait tendance à penser qu’être héritier dans une telle succession c’est un cadeau qui tombe du ciel. En réalité pour certaines personnes c’est plus un poids qu’autre chose.
Finalement le château a été mis en vente, et les biens qui le garnissaient ont été vendu aux enchères. Pour moi, le fait que le testament n’ait pas été rédigé de la meilleure des manières, on se demande si c’était vraiment sa volonté. On a toute son histoire qui va être vendue à la découpe, et si elle avait peut-être organisé les choses d’une autre manière elle aurait peut-être pu conserver un bout de son histoire. Or là on a la sensation d’avoir l’histoire d’une vie, d’une famille, peut-être d’une lignée qui disparaît.