Nous sommes généalogistes successoraux. Nous recherchons des héritiers inconnus pour leur transmettre souvent bien plus qu’un héritage : une partie de leur histoire ! « Histoires en héritage », vous invite à découvrir les destins hors du commun de ces hommes et de ces femmes dont la vie a été partiellement révélée après leur mort.
Dans « L’adopté », Calypso PROVOST généalogiste dans les Deux Savoies chez Coutot-Roehrig, nous raconte l’histoire mouvementée de René, à l’histoire familiale explosée, qui réserve des rebondissements inattendus. Un récit qui révèle la grandeur humaine qui émerge au fil des révélations.
Voir l’épisode :
Retrouvez également « Histoires en héritage » en Podcast sur la plateforme de votre choix.
J’ai une notaire qui m’appelle et qui me dit « Calypso j’ai un dossier dans lequel Jeanne est décédée, elle avait une fille qui est prédécédée et qui n’avait pas d’enfant. ».
Je suis sollicitée pour certifier que Jeanne avait bien eu une seule fille. Elle me déploie un tableau généalogique qui a été fait par l’un de nos confrères, où la défunte avait été retrouvée pour hériter d’un bout de parcelle qui appartenait à sa maman. Donc elle et sa sœur ont été retrouvées, elles ont eu une vie pas simple parce qu’elles se sont toutes les deux faites abandonner à 3-4 ans. Elles ont grandi dans un orphelina, mais toujours soudées.
Pendant leurs recherches les généalogistes avaient retrouvé l’existence d’une autre sœur. Je me suis aperçu que finalement la maman était serveuse dans un bar. Je sais que ses parents et ses frères et sœurs l’appelaient la femme de petite vertu. À l’arrivée de la seconde, elle s’est rendue compte rapidement qu’elle n’allait pas pouvoir les élever, elle les a donc placés à l’assistance sociale. On suppose que ça a dû lui briser le cœur mais c’était une autre époque, et ce n’était pas du tout vu comme ça peut l’être aujourd’hui.
À ce moment-là, j’ai mon regard de chercheuse qui comprend que c’est une famille qui a un petit peu explosé, de sœurs qui ne connaissaient pas leurs autres sœurs, de sœurs qui ont été en orphelina, l’autre sœur qui a été élevée par l’une de ses tantes, et je me dis c’est bizarre.
Il s’avère que Romain, le généalogiste spécialiste de la Savoie m’appelle et me dit « Tu ne me croiras jamais, incroyable, j’ai retrouvé René, un autre frère. ». Donc là je suis un peu choquée, et je lui demande comment ça se fait qu’il ne soit par ressorti lors des premières recherches ?
Il me dit que René a changé deux fois de nom. Il a eu son nom de naissance, puis ensuite à l’âge de 1an René, cet héritier, s’est fait adopter par une première famille, une famille aimante avec cinq frères et sœurs, et à l’âge de ses 10ans malheureusement son papa adoptif est décédé. Sa maman n’avait pas les moyens de subvenir aux besoins de l’ensemble des enfants, et a décidé avec le cœur lourd de replacer René à l’adoption.
Au bout d’une année il s’est fait adopter par une nouvelle famille, une famille savoyarde qui l’a adopté pour des raisons on va dire « professionnelles », pour avoir de la main d’œuvre, un petit peu plus d’aide agricole à la ferme. On lui faisait clairement croire qu’il n’était pas voulu, en grandissant avec un surnom qui était son nom de naissance. Un jour un monsieur se retourne et lui dit « Mais pourquoi les gens t’appellent comme ça ? », et René dit « Parce que j’ai été adopté, et c’est le nom de jeune fille de ma mère. ». Il lui dit mais c’est drôle parce que moi mon frère il avait été marié avec une dame qui portait le même nom. René se rend compte finalement que le monde est petit, et qu’il vient de faire la rencontre de quelqu’un de la famille de sa maman, et il part à sa recherche.
Malheureusement sa maman est décédée en 1955, donc il arrive trop tard, et il apprend qu’il a une sœur. Il se dit qu’il va partir à la recherche de sa sœur. Ça dure plusieurs années, et finalement il trouve l’adresse de sa sœur qui habite à 20km de chez lui. René va toquer à la porte de chez sa sœur, il lui dit « C’est moi, je suis ton frère, on a la même maman. ». Elle chuchote à la porte, elle ne veut pas le laisser est rentrer, il y a son mari qui est derrière, il y a son enfant qui dort, et elle lui dit « Écoutez, je ne veux rien avoir à faire avec vous, partez s’il vous plaît. ».
Quelques temps, après il retourne chez sa sœur qui cette fois-ci lui ouvre puisque son mari n’est pas là, et elle lui propose de boire un café. Il lui raconte son histoire.
Elle, mine de rien, elle n’a pas non plus une vie facile. Elle a été abandonnée avec Jeanne, elles ont toutes les deux été placées à l’assistance sociale, mais elles ont grandi toutes les deux, et puis finalement elle lui dit qu’elle ne révèlera pas son identité au reste de la famille, qu’elle ne veut pas chambouler le quotidien de tout le monde, et qu’elle gardera le secret pour elle.
René repart de chez sa sœur en pensant que le chapitre est clos pour toujours, et finalement, c’est 40ans plus tard que la vérité arrivera jusqu’à lui. Dans les années 70, René pensait qu’il avait une sœur et aujourd’hui on va lui apprendre finalement qu’il n’en a pas une, qu’il n’en a pas deux, mais qu’il en a trois.
Par la suite je décide d’aller voir René. Il m’a accueilli dans sa maison avec son épouse et son fils. Ce sont des gens je trouve gentils, qui m’ont ouvert les portes de leur cœur et de leur histoire. René avec sa voix toute tremblotante m’a raconté tout son chemin de vie, et moi ce qui m’a ce qui m’a surprise c’est le comportement de René qui est complètement différent de la plupart des héritiers qu’on retrouve.
Normalement les gens veulent savoir combien ils vont toucher, de quoi est composé la succession, et je crois que c’est l’un des premiers héritiers qui me parle avec le cœur, et uniquement avec le cœur. René les seules questions qu’il me pose c’est « Est-ce que ma sœur veut me rencontrer, est-ce que mon neveu veut me rencontrer, est-ce que ces personnes sont prêtes à me faire une place dans leur vie ? ».
Aujourd’hui, René et sa sœur vont se rencontrer. J’espère que je pourrai être présente parce que c’est l’aboutissement de mon travail. Je me dis quelle fierté d’intervenir dans ce genre de dossier et de réussir à leur faire recoller les morceaux et de repartir avec une histoire, et de connaître la vérité.